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L'inspecteur Lecoq et l'affaire de la léproserie

          Ah ! S’il est quelques bons moments de cette vie, ce sont ceux que je passe en compagnie de mon ami l’inspecteur Lecoq. On se retrouve à la terrasse d’un vulgaire troquet pour boire une absinthe froide et se dire nos histoires fraîches. Moi celles que j’écris, lui celles qu’il a vécues. Il faut dire qu’en général, les premières sont une resucée des secondes !

- Ce cher inspecteur ! Enfin ! Prenez une chaise, je vous commande un verre.

- Bah tiens ! Manquerait plus qu’on ait juste à faire la conversation.

Ne croyez pas qu’il m’ait en haine, il est comme cela, il châtie bien. Quoi qu’il en soit, tandis qu’il s’assoit et pose devant lui son attirail à pipe, je jette un beau « deux » avec mes doigts au serveur, qu'il ne remarque pas d'ailleurs. Tant pis, l'inspecteur ne m'a pas vu, je lui redemanderait quand il daignera s'intéresser à nous !

- Qu’est-ce que *hhff* vous mâchez là *hhff* vieux garnement *hhff* ? – dit-il sans même me regarder, en allumant son calumet par inspirations successives.

- Rien, un chewing-gum, pour passer mon appétit ce pendant que je vous attendais. Mais puisque nous allons vers les choses sérieuses, mon besoin est éteint ! – J’accompagne ma réponse d’un crachat fort audible pour déjecter mon mastique qui s’écrase mollement sur le macadam.

- Oh ? Mais qui m’a fichu un goret pareil ? Z'avez plus d'assurance pour dégueuler vos americaneries sur le parvis que pour nous commander deux mousseuses... qui plus est, vous ne voyez donc pas que vous faites un piège à lépreux ?

Je suis désarçonné par la double salve de l'inspecteur, premièrement, il faut vraiment que j'arrête de sous estimer ce vieux fou, et puis, mâcher un chewing gum, ca donne de la consistance, non ? Mais pourquoi me parle-t-il de malades, lui qui a si peut de considération pour autrui...

- Pardon mon cher Lecoq, je… Que dites-vous ?

- Eh oui ! Un piège à lépreux. Imaginez que l’un d’eux marche dessus : il y laisserait son foutu pied ! Et moi je n’aime pas plus les pieds qui traînent que ceux qui traînent des pieds. Ni davantage que les traînées qui vendent leurs pieds, soit dit en passant !

- Une photo de pieds, je suis preneur, mais un pied tout court, ça non ! Alors, pardon inspecteur !

- Des excuses, des excuses. Gardez donc vos excuses : vous prenez un petit papier, vous y inscrivez « pardon inspecteur », vous le pliez en huit, et vous vous le carrez dans le cul ! Car ces choses là n’ont rien de drôle, je vais vous raconter une affaire, vous comprendrez.

Je savais qu’il suffisait d’un rien pour lancer cet énergumène dans l’une de ses logorrhée narratives. Il tire une grande bouffée sur sa pipe, comme pour me faire languir. J’en profite pour m’éclaircir les conduits auditifs, afin de ne rien rater. Puis il se lance :

- Oh mais j'allais partir dans une sacrée aventure et voilà que je me rends compte que nous n'avons rien à boire ! Alors écoutez moi bien ma petite lopette, quand on commande deux pintes, on ne le fait pas comme une favorite qui folâtre dans les culotte du marquis ! Premièrement vous allez me virer vos deux doigts en V de la victoire, car cette position n'a rien de glorieuse, on commande annulaire et majeur côté dos de la main bien en face de la gueule du mitron. Quand à votre petit "deux" s'extirpant de vos misérables cordes vocales, vous me l'éteignez, capisce Atto Melani

À ce moment précis je déglutis toute mon assurance, et me demande d'où l'inspecteur peut-il bien sortir cette cantique référence, mais non moins homophobe lorsqu'elle provient de sa moustache. Alors, avide de connaitre son histoire, je m'exécute et place assurément mes doigts malhabiles à quelques centimètres du serveur, comme l'inspecteur vient de me l'ordonner. Mais voilà que le garçon collisionne avec ma main sans même me remarquer et lance : 

- Oh ! mille excuses ! Je ne vous ai pas vu. Heureusement que vous n'êtes pas lépreux ! Deux pintes, comme d'habitude inspecteur ? 

- Mais qu'avez vous tous avec les lépreux ! Inspecteur ? 

- Ouais ouais deux céréalières ! Oui, oui bah j'y viens, de toute façon vous venez d'effacer toutes mes prétentions d'éduquer votre gestuelle. M'enfin ! Il y avait en ville, il n’y pas encore si longtemps, dans l’un des arrondissements, une léproserie. Avant que – car vous n’êtes jamais lassée d’être idiot –, vous ne leviez votre index enduit de cérumen pour me demander une définition, je vous la donne. Mais retirez d’abord ledit doigt de votre oreille, qu’on ne gâche pas notre temps en répétitions !

Je m’exécute servilement, non sans ressentir une certaine honte. Il continue :

- Une léproserie c’est un hôpital où l’on soigne une morbidité en particulier. C’est heureux qu’il y ait des établissements de la sorte, rapport au caractère potentiellement bien contagieux de cette terrible maladie : la lèpre, puisqu’il faut l’appeler par son nom. Cette infection est un univers horrifique à elle seule, avec ses nodules, ses lésions cutanées, et ses nécroses qui vont jusqu’à la perte des membres. Enfin, nous autres policiers, nous ne sommes pas médecins, et croyez bien que nous n’aurions jamais conduit nos revolver jusqu’à ce sordide endroit, si nous n’y avions pas été dûment amenés pour une enquête.

Pour cause, on nous signalait une sorte d’épidémie criminelle. Les dames de la rue Ménil-Trou, qui jouxte celle de la maison de santé, retrouvaient des morceaux de mains dans leurs sacs. 

- Leurs sacs à main ! – Peut-être, dans mon enthousiasme, l’ais-je interrompu trop vite, c’est vrai...

- Tah ! Petit garçon ! Un éclair de génie, c’est facile à remarquer avec vous, comme il n’y a pas la lumière à tous les étages. Ça fait comme une petite fenêtre qui serait la seule allumée dans la nuit. J’enchaîne, si vous voulez bien la fermer. 

Ces demoiselles retrouvaient donc des mains dans leurs sacs… à main… On a d’abord penser à une mauvaise blague, peut-être la vengeance d’un amant éconduit ou d’un mari cocufié qui voulait métaphoriser qu’il avait pris sa mie « la main dans le sac » ? Un peu comme l’on met une tête de cheval mort dans le lit d’un rival pour lui indiquer qui des deux est le mieux monté. Rapport à la bite.

- Je ne voudrais pas avoir l’air de vous contredire, mais êtes-vous bien certain de ce que vous avancez là ?

- Tah ! Mes ancêtres peignaient déjà les grottes de Lascaux quand les vôtres jouaient encore à se curer l’oignon avec des bananes. Alors ne venez pas me contester sur le plan de la connaissance, ni sur le plan de l'attirail équin d'ailleurs.

Bref. Un, c’est pas de nature sérielle. Mais trente mains dans trente sacs, ça demande de l’organisation. Et puis ça fait qu’une tripotée de manchot doit se balader ici ou là, et ma foi, on est pas sur une foutue banquise.

Moi, j’enquête. Et à peine mets-je une guibolle dans la rue Ménil-Trou, voilà-t’y pas que je sens un truc me redécorer la poche intérieure du trench. Et comme je suis pas n’importe qui, j’envoie tout de go ma plus belle gifle sur la première joue qui traîne. Un gamin ! Alors je lui dit : « tu ne me fais pas les poches ! » Il nie. « Si ! Tu me faisais les poches ! » Ah, ce n’est pas mon plus beau trait, enfin c’était sur le moment, j’ai trouvé ça suffisant.

- Allons mon cher Lecoq, ça ne vous rendra pas premier ministre, certes, mais il ne faut pas en rougir.

- Cessez donc de parler politique mon vieux, contenter vous de gratter votre papelard. Alors, j’attrape le bras du garçonnet, pour vérifier qu’il n’ait pas empalmé mon larfeuille, et croyez-vous la chose ? Je lui tiens son moignon ! Un tout joli mignon moignon !

- Mais comment ? Un moignon mignon ?

- Cessez cela immédiatement. Alors, je me met à me tâter mon énorme et puissant pectoral, et je découvre qu’à l’évidence, ma poche intérieure est plus remplie que naguère. Mais quoi ? Ce voleur, au lieu de déposséder les gens, leur fait des dons ? Sur le moment, je reste dans l’incompréhension, mais vous l’aurez compris, ce que je trouve à l’intérieur de mon trench, c’est sa main.

- Pouah ! C’était donc votre amant éconduit ?

- Vigoureux crétin ! – Il me jette sa pipe sur le coin du blair. Je l’avais un peu cherché, il est vrai…

- Non ! C’était bien un voleur ! Raison pour laquelle on a rapidement dévoilé le mystère. En réalité, il y avait tout un gang de pickpockets qui avait été infecté par la lèpre, et qui séjournait à la léproserie d’à côté ! Mais ces crétins, ils continuaient leur activités, même infectés !

- Les salauds ! Des criminels coûte que coûte !

- Non ! Coude que coude ! Mais c'est pas ça le pire mon grand. Certes le larcin est cocasse, mais la finalité elle, est salace !

- Je ne suis pas sur de bien vous comprendre Lecoq. 

- Et bah... Je vous l'ai dit on mène cette enquête auprès des dames de la rue Menil-Trou, et vous êtes surement trop candide pour y faire un lien, mais dans la rue des dames de Menil-Trou, il y a aussi le Trou des dames du Menil ! Un établissement réputé... Hmm Hmm enfin ! 

- Des... filles de peu de vertu ? Turlututu chibron dans le cul ? 

- Je vais faire comme si vous n'aviez pas essayé d'ourdir un trait d'esprit mon petit père, et je vais sagement continuer. Comme je vous le dit, on pense avoir résolu l'affaire des mains dans le sac, mais voilà qu'une de ses dames nous interpelle. Une péripatéticienne du nom de Mado, elle nous explique qu'elle ne peut plus travailler, et que sa maitresse va bientôt la jeter du lupanard ! Et pour cause, son con ne reçoit plus...

- Mais, Inspecteur, c'est un docteur qu'il lui faut !

- Un docteur... Ou un précheur... Car notre sang n'a fait qu'un tour. J'ai aligné tous mes voleurs à moignons devant le mur de la chapelle, et j'ai demandé à la demoiselle si elle avait reçu comme client un de ses freluquets sans bracelets. Et... bingo ! La belle de nuit me désigne un tout déglingué qui sourit béatement en revoyant la créature de ses rêves qu'il a du payer en monnaie de singe. Et alors là, que le bon dieu me pardonne, je vais vers le type et je lui baisse son froc ! 

- Enfin inspecteur ! Un pauvre malade ! 

- Voilà pourquoi vous ne pourrez jamais être flic, mon brave ! Vous manquez de panache, et le panache c'est bien ce qui nous a sauvé cette affaire. Figurez vous que le bougre avait perdu son braquemard ! oh il en était tout aussi décontenancé. Il mettait ses petits moignons sur sa tête en le cherchant du regard. Alors j'ai invité la dame à s'investiguer si... Si vous voyez ce que je veux dire. 

- Et alors ? 

- Et alors le pickpocket s'est fait prendre à son propre jeu ! Ouaip... La bonne dame nous a sorti un petit braquemard tout rabougri et effrité que seul le vil bonhomme semblait soulagé d'avoir à portée de vue. Il l'avait perdu dans l'ingénue vous comprenez ? Ce jour-là nous avons résolu deux affaires en une, mon jeune ami. Voilà pourquoi je vous serait gré de ne pas foutre non plus vos foutus chewing gum sous le plateau de la table, un jour on va se retrouver avec une bite sur les genoux !

- Ah ! Ah ça ! Sacré Lecoq !

Vous avez aimé ?

Ainsi vont les investigations ! L’inspecteur Lecoq conclut son enquête policière dans un troquet, pipe en main. Face à une épidémie criminelle à la léproserie de la rue Ménil-Trou, il dévoile un mystère macabre impliquant pickpockets et mains perdues. Une histoire criminelle captivante, à l’ambiance polar française.

Si vous avez aimé cette anecdote policière, n’hésitez pas à :

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