L’Église, c’est comme une grande famille. Je vous vois arriver avec vos traits d’esprit de Nord Francie. Mais je dois vous dire qu’en chapelle de Sainte-Junon, vivaient cinq curetons.
Il y avait, forcément, la voix du père. Le pater supérieur, que l’on n’appelait pas pour autant Monseigneur, et qui veillait d’un œil fauconnier sur ses quatre joyeux tarés. Ainsi de messe en enterrement, de baptême en errements, les cinq hommes de foi guidaient leurs oies. Père Gaston le tonton, et de suite, père Eugène l’énergumène, père Michel l’obsessionnel, père Léon le grognon et, enfin, le jeune père Arsène le tout juste catéchumène.
Tout allait de concert dans le meilleur des sanctuaires. Les paroissiens étaient ravis de grenouiller dans pareil bénitier. Bientôt, dans tout le comté, l’on enviait de ce village la chrétienté.
Un jour comme les autres, alors qu’à confesse se succédait les pires bassesses, et qu’a tours de manche l’on distribuait des nôtres pères en chapelet, vint s’asseoir au banc des successives messes, une abusive idolâtresse.
Père Gaston n’eut de réaction que l’élévation de son saint sourcil. Père Eugène pria Saint Basile, père Michel, lui, devint fébrile. Léon resta immobile et Arsène eut l’hostie versatile.
Tout le monde dans le village avait eu vent de la divine enfant. Elle avait, avec ses parents, emménagé bon gré mal gré dans une grange aux airs de fange. Ce qui laissa cours à moult commentaires, tantôt grégaires, parfois agraires : les débats d’idées ne se firent pas désirer.
La jeune femme fut accusée d’être une sorcière, une mange-pine, une bergère, une faquine. Ou bien encore une puterelle, une foutriquette, une malotrue, une maquerelle, faut reconnaître, avec un beau cul.
Les saintes journées passaient tout de même et nos cinq curés s’efforçaient, devant tant de zizanie, d’élever en acmés leurs litanies.
De rites initiaux dispensés en chants cathos, accueil, temps de paroles, d’eucharistie, saint envoi et ravissement en abbaye, ne suffisait pourtant pas à détourner nos aumôniers de leurs vis-à-vis balconnier.
C’est père Michel qui osa, en fin de sermon, lui demander son nom. Et ceci sous l’œil furibond de père Gaston, qui ne voyait pas de bon aloi que son compère d’aréopage, se préoccupa même de son âge.
La belle ingénue ne retint pas sa logorrhée, Manon dit elle s’appeler. Quant à son âge, mieux vaut le taire pour l’image. Derrière père Michel, la travée. Derrière la travée ? Dissimulés ? Trois curés.
« Manon », rêva Eugène, « si jeune... » souffla Léon, « si généreuse ! » cria Arsène, avant de recevoir une beigne. Père Gaston, à ces mots, fit volteface pour se trouver nez à zen avec Arsène. Le candide haruspice était seul à ne pas avoir déserté, en cette réplique de Saint-Sulpice il se fit sermonner.
Père Gaston, après son sermon, prit alors la sainte décision de convoquer son assemblée, de rage. Il leur tint à peu près ce langage, consterné :
- « Eh bonjour, messieurs du corniaud, que vous êtes abrutis, que vous me semblez sots ! Sans mentir, si votre tonsure se rapporte à votre luxure, vous êtes le Styx dans ce piédroit ! »
Père Gaston ordonna aux quatre prélats, par confesse, de coincer la diablesse.
C’est père Léon, qui eut la primeur des péchés de la Manon. Le récit lui procura tant d’émoi, qu’en sa robe il déposa. Père Léon qui n’était pas malavisé lui dispensa tout de même ses punitions, avant d’aller nettoyer son capuchon.
Père Eugène, le jour suivant, reçut la divine enfant. Sans peur était l’Alcmène, une histoire enflammée, elle lui compta. En sueur était Eugène, bien qu’immaculée, son étole lévita. Eugène pria un peu Saint-Aubin, et sa toge plate redevint.
Père Michel, qui trépignait devant l’isoloir, eut la Manon le troisième soir. La souillon lui susurra ses franches aventures, si bien que cureton exulta sa blanche mixture.
Enfin, père Arsène, toujours dernier quelle que soit la Cène, reçu Manon en fin de semaine. L’iconoclaste lui effleura la main en souriant à travers les barreaux. L’ecclésiaste se pressa le vérin en pinçant, suicidaire, son fourreau.
Manon invita alors les hommes de foi à l’ombre de confesses. En chevaux de Troie, le nombre fit la liesse.
Lorsque père Gaston croisa la Manon sur le chemin de la sortie, elle parla de ses ignominies. Lui, furieux, la sermonna en prières. Elle, comme un jeu, dévoila sa jarretière.
« Par l’archange Michel, la diablerie n’est plus pucelle ! », Gaston se précipita vers ses fils dans l’effroi, le rideau de confesse il tira. Il crut défaillir, et vit dans la sainte cabane, maint jus de profane.
« Par dieu, vous avez sombré dans le péché de chair, ces lieux vous quitterez sans embrasser notre Père ! »
« Mais de quoi parlez-vous, père Gaston ? Il s’agit là d’un gras savon ! »
Les quatre rusés se félicitaient de l’idée. Lustrer confesse avec le jus de leurs nœuds, afin disaient-ils de purifier les lieux.
C’est ainsi que, de presbytère en histoire de fion, ils évitèrent l’excommunication.
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Ainsi vont les confessions ! En l’église de Sainte-Junon, les pères Gaston, Eugène, Michel, Arsène et Léon guidaient leurs paroissiens avec foi. Malgré les péchés confessés par Manon, la chrétienté du village perdura. Dans cette petite histoire religieuse fantasque, mêlant sermons, confessions et spiritualité, dans un sanctuaire empli de rites catholiques, toute ressemblance avec un cas réel serait fortuite.
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