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La saison nouvelle avait entamé son œuvre, et le Monsieur de la météo nous prédisait un temps chaud. Moi, je disais à mon vieux Jeannot que l’époque était détraquée, que le climat sortait de ses gonds. Lui, sirotant son café, répondait que le réchauffement avait du bon. Que la neige n’était pas seule à fondre au soleil, ses dames, elles aussi, éprouvaient le redoux. Quand le printemps cède, les arbres se couvrent de fleurs, et les jeunes filles en fleur se découvrent sans aide.

De son œil discret, il m’en désigna une qui passait près de notre table. Elle avait un long manteau d’un bleu royal qui la couvrait jusqu’au cuir de ses bottes. Une écharpe grise de cachemire lui protégeait bien plus que le cou, tandis que ses longues boucles blondes lui couvraient le front et les joues. C’est à peine si une paire d’yeux bleus pouvait échapper un regard d’entre cette tenaille.

- Regarde celle-ci. Tu ne l’as jamais remarqué, mais moi oui. Tous les jours, à l’heure où nous nous retrouvons sur cette terrasse pour commencer notre journée, elle passe. Où va-t-elle ? Que fait-elle ? Je ne le sais, mais je le dis, dès demain, avec les vents qui s’échauffent, elle aura une couche de moins.

Dès le levé je pensais à cette prédiction. Le journal du matin confirmait celui de la veille, nous aurons un gain de quelques degrés. Le Jean-Jean, visionnaire de ce siècle, m’attendait avec deux mokas et sa montre en main.

- Regarde, juste à temps, la voilà.

Aucun doute, c’était la même étrangère. La démarche, les cheveux, ce mépris si parisien. Impossible de se tromper. Il y aurait pourtant matière à, puisqu’elle avait troqué sa combinaison pour un perfecto blanc cassé, un jeans Lévis bleu lavasse, et des escarpins assortis à son ensemble. Mon Nostradam avait vu juste sur notre dame.

- Merveille ! Crois-tu, mon cher Jeannot, qu’encore demain ...?

- Enquiers-toi de l’air, le beau va crescendo, alors, oui. Demain, encore, un vêtement de moins.

Il ne s’y trompa point. La météorologie m’annonçait un nouveau profit : quelques degrés gagnés dès potron-minet. Même brasserie, même heure, même ami… Et puis, la voilà.

Quelle folie ! C’était bien l’été qui débutait dans l’atmosphère, mais, sur les femmes, je voyais la main de l’automne. Au diable les pantalons, adieu les petits vestons, ce jour, nous jouissions d’une jupe droite dédaignant les genoux, et d’un gilet irlandais comme écrin de son corps.

- Jean, mon cœur s’envole, est-ce l’alizé que souffle son sillon ?

- Celui qu’elle creuse, mon cher, est fertile. Demain, sans doute, des fruits.

Impatient, le jour suivant, j’arrivais avant mon compère. Le mercure n’avait pas endigué sa hausse, ni plus que ma joie d’être le spectateur d’un nouvel événement. Son entrée eut lieu à heure dite, que le Jeannot ne manqua pas.

Bientôt l’hiver où les branches sont à nues ? Car la tendre ne portait plus qu’une mini-jupe rouge, un top blanc en coton fin laissant entrevoir son sein et des spartiates géométriquement lassées sur ses mollets. J’adorais, j’aimais, j’idolâtrais. J'étais iconophile ! Ma décision était prise, le lendemain j’irai – étais-je givré ? – lui demander sa main. D’autant que mon Jeannot en était certain, le jour suivant nous réserverait presque une canicule.

De la sueur coulait déjà sur mon front tant mon prophète avait raison. Nul café chaud pour entamer ce jour où je me tenais résolu à rencontrer l’effilocheuse inconnue. J’attendais le Jean-Jean avec en main deux bières et une tocante bien minutée.

Tic, la voilà.

Tac, quoi ?

Jamais prévision n’avait été autant contredite ! L’odieuse n’avait pas un seul habit de moins. T-shirt blanc sur rien d’autre, courte jupe rouge et sandales hautes. Ma déception me clouait. 

Oserais-je ?

Elle passait.

Mon fidèle allié me tendit une rose. 

- Je ne crois pas m’être trompé, elle s’est découverte. Va, sinon c’est toi qui vas te couvrir. De honte ! Prends ce bouton et va lui demander quel genre de vêtement elle aura enlevé aujourd’hui !

Le farouche rhéteur m’avait convaincu, le mystère était trop important. Sans m’en rendre compte, je courais déjà, la fleur au poing.

- Madame ! Mademoiselle ?

Mon interjection fit mouche, et sa destinataire entama un retournement. L’action mit en branle toute la force centrifuge que ce monde physique recèle. 

Chacune des pointes de ses belles boucles blondes se souleva jusqu’au-dessus de ses pommettes, avant que l’ensemble de ce parterre doré se torde en une splendide spirale. 

Ses épaules nues firent de même, restant parfaitement parallèles. L’une allant vers ma gauche en emportant son dos, l’autre virant à ma droite pour me présenter les prémisses d’un sein homicide. 

La mortelle poitrine était pétrie par cette même force qui fait fuir les centres. Tout ce temps de rotation mettait en élévation les fatales livres de chairs. Sous le parapluie d’or de ses cheveux paraissait maintenant ce téton capricieux. 

La bise matinale l’avait endurcie, et, dans l’attente d’être rejoint par son frère gémellaire, il lançait sur toute la courbure de son parcours une œillade méprisante. La taille et le bassin n’étaient pas en reste lors de cette fascinante circonvolution. 

Même, la jupe étroite s’embraquait dans cette mécanique. D’identiques puissances la jetèrent dans les airs, pour le peu que la quantité de matière lui permettait de décoller de sa cuisse enlacée. 

Mais ce fut suffisant pour, comme le voile de la mariée qu’un vent indiscret lève, révéler une grosse paire de couilles velues, qui se balançait, elle aussi, en orbite.

- C’est pour moi ? dit l’ingénue mirant les pétales.

- Du tout, c’est pour ma vieille tante Suzette ! J’avais une question, mais j’ai trouvé la réponse. Cependant, apprenez que demain il fera plus frais. 

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