Les petits gars de la Marine, ils n’ont pas que le sens du vent, ils ont aussi le sens de l’humour. Même chez les sous-mariniers.
Faut voir l’ambiance sur le Terrible. C’est vraiment le bel outil subaquatique le Terrible, un sous-marin lanceur d’engin de la classe du Triomphant. Ce n’est pas parce qu’il y a des têtes nucléaires à bord qu’on y fait la tête ! Une fois dernière, il y avait une nouvelle oreille d'or dans l’équipage. Ceux-là, ce sont les champions de la guerre acoustique. Ils ne te disent jamais qu’ils veulent « entendre une mouche voler », même pour te faire fermer ta gueule. Parce que tu peux crier comme un porc qu’on égorge, ils entendront quand même les drosophiles qui folâtrent. Les mecs ont les conduits auditifs tellement précieux qu’ils y font du miel. C’est les Beethoven du sonar, ou les Van Gogh de l’écoute, c’est tout pareil.
Enfin, il y a la nouvelle oreille : Jean-Jean. Mais le bâtiment compte déjà sur l’officier Dédé pour s’occuper de tout ce qui avait rapport à l’audition. Un vétéran des océans le Dédé. Il en a ouï de l’hélice. Il en a accompli des missions sonores, lui et son héroïque cérumen. Pas vraiment du genre branleur (ce qui, dans le métier, est contre-indiqué). Alors, forcément, il tire une gueule improbable quand il voit le nouveau, qui a l’air d’avoir un savant talent.
Mais le capitaine du Terrible, il ne compte pas remplacer le Dédé comme écouteur principal sans avoir testé les conduits auriculaires du Jeannot. Le patron mène donc sa barque (nucléaire) dans un petit coin d’océan sans trop rien dire du lieu à ses oreilles, qui, de toute façon, ne s’y entendent pas tellement en navigation. Et puis : « Allez, mon Jean-Jean, exercice d’écoute » qu’il dit.
Le mec, il se laisse une esgourde à l’air et met un casque pas possible sur son autre gagne-pain. Le machin vaut le prix d’une couille, directement relié au sonar. La moindre vibration de la carlingue, il la détecte. Mais pour que tous les matelots bénéficient du spectacle, et qu’ils intègrent bien tous que, eux, ils ont les oreilles en chocolat, le capitaine branche les haut-parleurs. Ainsi, tous les marins pourraient entendre la mélodie de l’océan. Des petits échos par-ci, du clapotis par-là, rien de bien signifiant. Enfin quoi, des foutus bruits. Mais pour une oreille d’or : un livre ouvert.
Et puis le Jeannot s’y met… Il ferme les yeux… Et il écoute la mer… Une putain de chauve-souris le type. Mais bref, il dit :
- Au-dessus de nous… Une frégate… C’est des copains… Frégate française du type Lafayette… Elle a l’arrière ampoulé, on dirait un Courbet dis donc… Non, c’est pas le Courbet, c’est le Surcouf… Pas de doute, au bruit du propulseur, j’peux pas m’gourré mazette !
Tous les gars du sous-mar’ : impressionnés qu’ils sont ! Eux qui ont compris que tchi à la sonate. Le type du périscope fait un signe du pouce au capitaine, l’air de dire « ouais, c’est vrai, c’est l’autre enculé de Surcouf là-haut » (il est très expressif ce pouce). Et l’autre formidable Jean-Jean et ses deux cornes à son, il continue :
- Dis donc cap’, z’avez navigué pas loin d’un récif ! C’est du Corail branchu ça. Acropora cervicornis. On doit être aux Caraïbes, vrai ?
Le capitaine, il en est le cul par mer (c’est comme ça qu’on dit dans la Navale) juste de voir un mec qui entend si bien. Le zig des cartes fait un signe du pouce au patron, l’air de dire « ouais, pas faux, on est pas loin de ces saloperies de Caraïbes » (décidément, ce qu’on fait avec un pouce). Et l’autre téméraire de Jean-Jean qui refuse de cesser :
- Mon cap’, me croirez pas, mais à deux encablures, azimut nord, y’a un rorqual à bosse qui gratte son énorme paire (faut savoir que chacun des testicules d’un rorqual pèse le poids d’un marsouin commun).
Tous les matafs du Terrible sont en émoi devant les capacités géniales (et le savoir génital) du Jeannot. Le gars du périscope fait mine de rouler quelque chose entre son pouce et son index, signe qu’effectivement, une baleine se réameuble l’agencement extérieur tout proche de là.
Dédé l’oreille d’or – qui craint de n’être que d’argent – se fait une montée d’organe pas possible en observant la scène. Il décide de briser l’ascension du Jean-Jean en lui tendant un piège odieux. En sifflotant, il s’écarte de la passerelle de navigation et s’engouffre discrètement dans la coursive. Une fois caché, il baisse son froc, colle sa croupe de manière parfaitement hermétique sur la carlingue, genre ventouse, et lâche des vents tonitruants bien contenus entre les deux joufflues. Sans un bruit, le forfait imprime une indiscernable vibration à l’ensemble du navire.
D’un coup d’un seul, le Jeannot se terrifie ! Il ouvre grand ses yeux et jette son casque à terre dans un geste de panique (alors que ça coute une blinde ce maudit matos).
- Cap’ ! Zut ! Branle-bas ! Un sous-marin russe ! Une lame de fond ! Ou une corvette chinoise ! Ou des torpilles supersoniques ! Bonjour les avaries !
Forcément, le capitaine, il s’inquiète. C’est qu’ils sont tout de même en mer, en condition réelle, en mission continue, avec tout un bazar nucléaire dans le compartiment médian. Mais il ne comprend pas trop, parce que le Jeannot venait de démontrer qu’il sait distinguer un requin qui se cure la raie d’un dauphin qui se ramone le tube. Reconnaître un bathyscaphe soviétique ou un immergé taïwanais, c’est quand même la base du job.
- Alors quoi ? Qu’est-ce que c’est ? Un Narval ennemi ? Une fusée coulante ? Décidez-vous mon vieux !
- J’y pipe rien cap’, j’ai jamais ouï de telles ondes ! Demandez donc à Dédé, avec son oreille absolue et ses années d’expérience, il a identifié le danger !
- Tonnerre de merde ! Mais si tu ne sais pas si on a percuté un phoque ou si c’est les bolcheviks qui nous collent, pourquoi tu t’effraies ?
- C’est à cause de Dédé mon cap’, la menace doit être extrême ! Parce que je l’ai entendu se chier dessus dans le couloir !
Qu’ils sont cons dans les sous-mar’.
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Ainsi va la vie sous-marine ! Navire et équipage restent en alerte constante, maîtrisant le sonar et l’écoute pour garantir la sécurité maritime. La navigation exige vigilance, technologie et savoir-faire militaire. Mais la défense navale doit aussi affronter un type de danger particulier pour le milieu océanique : les pets odieux des officiers jaloux.
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