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Un policier et un jeune homme discutent dans un bar

          Ah ! Ce que j’aime rendre visite à mon ami l’inspecteur Lecoq. Il a toujours l’une de ces histoires improbables, comme seul un poulet peut vous en servir. On se retrouve au café La Belle Normande pour partager un Calva : moi, je lui montre mes petits écrits du mois, et lui me porte des nouvelles fraîches du commissariat.

- Quoi de neuf, mon cher, dans le monde policier ?

- J’ai quelque chose pour vous ! Une vieille histoire qui traînait, et qui s’est résolue de ça, il y a peu de temps. Vous en ferez, j’en suis sûr, vos choux gras ! Aujourd’hui, cela fait un an qu’on a reçu un mystérieux coup de téléphone. C’était la veuve Michu, une vieille farceuse, qui s’inquiétait pour les poules de son voisin. Elle annonçait avoir décelé, chez les gallinacées, une « déviation dans la trajectoire ». Alors nous, qui connaissons l’animal – je parle bien sûr de la veuve Michu – on lui dit gentiment que cela est parfaitement intéressant, et qu’il faut à tout prix qu’elle mène son enquête !

- Ah ! Comme votre intelligent management est doux !

- Évidemment, avec les emmerdeuses, il n’y a qu’une seule chose à faire : les enjoindre poliment à aller emmerder quelqu’un d’autre – en l’occurrence, son voisin. Mais quelques jours plus tard, elle rappelle. « Monsieur l’inspecteur Lecoq, les poules, elles ne marchent pas droit. Et puis elles ont le cloaque distendu ».

- Le cloaque ?

- Vous n’avez pas grandi à la ferme, vous ! Le cloaque, c’est une sorte d’anus multifonction chez l’oiseau. Ça sert à pondre les œufs, à évacuer les urines, les fèces (c’est-à-dire le caca – j’anticipe votre bêtise), et puis c’est aussi par là que le coq s’y prend quand il veut faire des poussins. Je ne vous fais pas un dessin ? Bon, il est vrai que j’en savais rien non plus. J’ai appris tout ça sur le tas. Vous allez comprendre. N’empêche qu’apparemment, ce cloaque, les poules du voisin l’avaient de plus en plus lâche. Mais bon, on est la Nationale, c’est pas vraiment dans notre métier de mesurer les culs ! Alors, la veuve Michu, on la renvoie de nouveau dans les roses : « Parfait, l’enquête avance. Quand vous en saurez plus, rappelez. D’ici deux ou trois ans, ce serait très bien ».

- Pif !

- Pif, oui, mais deux jours plus tard, elle vient nous voir directement au poste en réclamant tout spécialement l’inspecteur Lecoq…

- Renommée, renommée, qui es-tu renommée ?

- Et l’autre chieuse, elle débarque avec toute une liasse de documents sous le bras – « top secret », qu’elle dit. Elle pose ça sur mon bureau et me sort : « je le tiens, mon voisin. Je le tiens, ce violeur de poule ! »

- Mais de nos jours, on ne fait pas tout un foin des voleurs de poules !

- Certes. Mais je dois mettre le point sur le i que vous oubliez : violeur, avec un i comme au début d’ignoble, avec un i comme à la fin de sodomie. Et dans son portfolio, les preuves irréfutables du forfait : des photographies de ce fin aviculteur, le froc aux chevilles et la poule au bassin.

- Eh bien… C’est pas banal...

- Non, en effet... Alors, force est d’admettre que la veuve Michu avait fait du bon boulot de flic. Nous sommes donc allés choper l’outrageur du monde animal. Un homme taciturne, passif, taiseux… Impossible de lui faire décocher la moindre réaction. Ni verbale, ni physique : quelle mollesse ! C’est pourtant pas ce que laissaient penser les photos… Mais qui sommes-nous pour juger ?

- En même temps, pris la main dans l’cloaque, vous feriez le malin, vous ?

- Certes, non… Mais – et tenez-vous bien – c’est à ce moment que l’histoire prit une nouvelle tournure : vers la huitième heure de garde à vue. Voilà une heure bien tardive qu’a choisie ce prestidigitateur pour apparaître : Maître Konart. L’avocat et son client ont alors droit à quelques minutes pour s’entretenir en tête à tête. Quand le zoophile reparut, il n’était plus le même homme. Il avait hâte d’en finir. Et puis, il avait faim. Il voulait absolument une omelette qu’il désirait d’ailleurs manger tout de suite. Lui, naguère si atone, qu’il était tonique et gai !

- Mais qu’a donc dit ce défenseur des droits à son incommode client ?

- Nous ne l’avons pas su, jusqu’à ce que, justement, il soit relaxé lors de son procès, il y a une semaine, et qu’il sorte du tribunal aussi libre que vous et moi ! Même pas un stage de citoyenneté !

- Comment est-ce possible ?

- J’y viens. Or donc, il nous revient, et tout empressé qu’il était, il n’a jamais reconnu les faits.
Je vous passe les détails juridiques, mais sachez qu’on ne met pas les violeurs de poules en prison dans l’attente de leur procès. Le procureur de la République a cependant pu confisquer l’entier poulailler, « à titre conservatoire », comme on dit.

- Ouf !

- Mais alors, voyez-vous, notre travail à nous était terminé. Il ne nous restait plus qu’à attendre le jugement. Surtout moi, puisque le président du tribunal me demandait de comparaître au titre de mes fonctions, pour conter à la Cour l’ensemble des événements, tels que vus et vécus par nous autres policiers. Cependant, en attendant, on gardait un œil sur l’autre énergumène, histoire de vérifier… Quoi ? Eh bien, qu’il ne passerait pas du coq à l’âne, par exemple !

- Ah ! Comme vous êtes con, mon bon Lecoq !

- Certes. Quoi qu’il en soit, depuis sa rencontre avec Maître Konart, notre homme n’a jamais changé d’attitude. Tous les jours, matin, midi et soir, il allait chez la Mère Poularde manger l’une de ses fameuses omelettes en maudissant le ministère public de lui avoir prit ses poules pondeuses. Il s’empiffrait, et payait tous ses repas à peine entré dans le restaurant, tel un forcené. Il prenait ainsi soin d’exhiber son comportement à tout un chacun, faisant voir à quel point il était un monsieur impatient qui n’a d’autre goût que celui de l’omelette. Et puis… vint le procès… Le type se pointe en avance, en disant à qui veut l’entendre : « allons, allons, je suis pressé ! Où est donc le juge ? J’ai hâte, et puis j’ai une omelette sur le feu ».

- Je ne vois pas où cela nous mène !

- Je ne le voyais pas non plus… Alors moi, qui comparais à la barre, j’explique au juge : les viols, le froc sur les chaussettes, les poules enfilées, la voisine ! Et lui qui m’interrompt : « allons, qu’on en finisse ! Je suis pressé, et puis j’ai mon omelette à manger ! » Le président du tribunal en était tout urtiqué… Jusqu’à ce que Maître Konart nous inflige son plaidoyer :

« Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres de la Cour, on dit de mon client qu’il est un violeur de poule. C’est bien là l’opinion du peloton. Mais, hélas, vos gens d’armes ont été par trop véloces, et n’ont pas voulu voir l’évidence. Monsieur n’est pas zoophile, c’est un homme très empressé. Monsieur n’aime pas plus que ça la volaille, il aime surtout les omelettes.

Alors, mêlez donc ces deux traits de caractères, et vous comprendrez que c’est bien naturellement qu’il a pris l’habitude de battre ses œufs directement dans la poule… Oui ! Et avec le fouet veineux dont la nature, dans sa grande sagesse, dote chaque homme à cette fin !

- Et c’est passé ?

- L’autre tache de juge, parisien de naissance et pas Normand pour un sou : « Oh ! C’est malin ! Et puis ça fait moins de vaisselle, c’est bon pour la planète ! Innocent ! »

Vous avez aimé ?

Ainsi sont les crimes : sordides ! Voilà comment une banale histoire de poules a viré au fait divers judiciaire des plus absurdes. De l'enquête de gendarmerie à la plaidoirie de Maître Konart, tout est couillon dans cette chronique judiciaire. Ce procès insolite nous rappelle que la justice française sait parfois surprendre, surtout lorsqu'elle croise une bonne omelette, un avocat cynique et une voisine un brin trop perspicace.

Si vous avez aimé cette anecdote policière, n’hésitez pas à :

  • Cocori-commenter : un mot d’esprit vaut mieux qu’un long discours – dites-nous ce que vous en pensez, ou ce que vous aimeriez lire ensuite.
  • Picorer d’autres histoires : découvrez « L’inspecteur Lecoq et l’affaire de la faute sur faïence » – déjà en libre lecture sur La Plume du Coq.

Continuez à lire notre littérature grivoise, à la partager, et surtout… Cocoricouille !

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